5 - La valorisation du biométhane

Jusqu'à ces dernières années, le biogaz produit par les décharges d'ordures ménagères et parfois même dans les fermenteurs était le plus souvent considéré comme un sous-produit de la décomposition organique, et ne donnait que rarement lieu à des valorisations. Depuis dix ans, l'amélioration des techniques de mise en décharge ainsi que des performances des fermenteurs anaérobies a conduit à un net accroissement des débits de gaz produits, rendant rentable et même parfois très avantageuse la récupération de l'énergie "biogaz".

Plusieurs modes de valorisation sont aujourd'hui énoncés. On en distingue  quatre :

  • Valorisation thermique en chaudière ou en four de process (figure 10 )
  • Valorisation électrique par turbine à  vapeur ou groupe électrogène
  • Valorisation en carburant automobile
  • Valorisation par injection dans le réseau GDF (non abordée ici)

a - La valorisation  thermique :

Lorsque le centre d'enfouissement technique ou les fermenteurs sont établis à proximité d'un industriel susceptible d'accepter le biogaz, la voie de la combustion constitue sans aucun doute le moyen de valorisation le mieux adapté au biogaz, car elle allie simultanément les avantages de la simplicité du procédé, d'un investissement réduit et de temps de retour souvent très intéressants.

La chaleur de combustion du biogaz peut alors servir pour la production d'eau chaude, de vapeur à moyenne ou haute pression, ou bien dans des fours de procédés (fabrication de tuiles, cimenterie...).

Figure 10 :  Chaudière bi combustible gaz  naturel / biogaz

Figure 12 : Valorisation par combustion directe


Traitement et transport : en principe, le traitement du biogaz peut se limiter à un simple déshydratation  à l'entrée du surpresseur, pour éliminer les entraînements de liquides. La pression de transport sera calculée de façon à obtenir une pression  correcte pour permettre une bonne l'alimentation des brûleurs. Enfin il est intéressant d'installer un système de préchauffage du gaz afin d'éviter un encrassage des brûleur par condensation.

Combustion :
dans la plupart des applications, les installations de combustion sont déjà existantes et utilisent un combustible tel que le fioul, le gaz naturel, etc. Les fours ou chaudières sont par conséquent déjà équipés de brûleurs et de leur dispositif d'alimentation. Ainsi pour plus de flexibilité des installations tout en réalisant une économie d'énergie, on double certains des brûleurs existants voire la totalité, avec des brûleurs " biogaz " (tableau figure 13 ).

On veillera à maintenir un excès de production de biogaz
par rapport à la consommation du procédé, de façon à garantir une alimentation normale des brûleurs. Durant les périodes de maintenance, on utilisera le combustible d'appoint d'origine et les brûleurs initiaux. Dans le cas de brûleurs existants à gaz naturel, on pourra envisager de faire l'économie de brûleurs spécifiques "biogaz" en alimentant les brûleurs gaz naturel par une deuxième rampe biogaz réglée à une pression supérieure pour assurer le même débit calorifique. Cette adaptation bi-combustible ne pourra toutefois s'effectuer que pour certains types de brûleurs gaz (notamment les brûleurs à air soufflé).
Il faudra tenir compte des risques de corrosion du brûleur en présence du biogaz, des risques de soufflage de flamme et de la baisse de souplesse du brûleur qu'il entraîne.

Papeterie Emin-Leydier à Saint-Valuer (26)

Biogaz produit à partir de 2,5 M m3/an d'eaux de procédé, un digesteur de 1 975 m3 . production annuelle de biogaz 2,7 M m3, soit 21 GWh thermique, PCI 7.9 kWh/m, utilisation en chaudière locale 16 bars 8t/h de vapeur adaptée au biogaz, temps de retour biogaz inférieur à 1 an.



Société Révico à Saint-Laurent-de-Cognac (16)

Biogaz produit à partir de 4 à 500 000 m3 /an de vinasses de distillation de cognac et d'excédents de vin, production annuelle de biogaz de 4,4 M m3 ,PCI 7,0 kWh/m3, dont 70 % sont utilisés en chaudières mixtes biogaz/gaz naturel, soit 21 GWh thermique, temps de retour biogaz inférieur à 1 an.



Centre d'enfouissement technique de Soignolles-en-Brie (77)

Biogaz produit à partir de 150 000 tonnes/an de déchets organiques, 103 puits de captage, production annuelle de biogaz de 17 Mm3, PCI 5,0 kWh/m3. dont 17 %  sont utilisés en chaudière à brûleur mixte biogaz/fioul lourd, soit 15 GWh thermique. utilisation pour chauffage luzerne et pulpe de betterave en été, temps de retour biogaz pour la partie chaudière inférieur à 1 an.

b - La valorisation  électrique :

Lorsque le centre d'enfouissement technique ou les fermenteurs ne sont pas situés à proximité d'un industriel et lorsque les besoins thermiques locaux sont négligeables en regard de l'énergie biogaz disponible, une source de valorisation possible est la production d'électricité, avec autoconsommation locale ou revente partielle du surplus à EDF.

Principe et schéma de procédé

Le schéma de procédé est présenté figure 14. Les quatre unités constituant le procédé sont les suivantes

Production : le biogaz peut être en principe produit pour cette application à partir de toute source de fermentation. Sa composition nécessitera, pour une combustion normale dans les cylindres, au moins 40 % de méthane néanmoins, il sera préférable d'utiliser des biogaz dits " propres ", produits en fermenteur à partir d'un substrat homogène, ces conditions imposent a priori une épuration en profondeur du biogaz issu des centres d'enfouissement techniques.
Les débits à produire, pour autoriser un temps de retour raisonnable, ne peuvent s'envisager qu'à partir de 400 m3/h. A partir d'une production de 700 à 800 m3/h, une production électrique par turbine à vapeur peut s'envisager.

Traitement et surpression : le traitement à envisager dépend de la solution retenue dans le cas de la solution " moteurs à biogaz ", il nécessitera en principe une désulfuration et une déshydratation, dont les performances dépendront des spécifications des motoristes en général, il sera raisonnable de respecter une certaine qualité (tableau figure 15 ).
La déshydratation s'effectue à partir d'un groupe de froid et d'un échangeur de récupération. Les autres caractéristiques du gaz seront obtenues de préférence par le procédé de fermentation lui-même.
Dans le cas de la solution
"turbine à vapeur", on pourra se contenter d'un traitement par simple filtre déshydrateur à l'entrée du compresseur, de façon à enlever les particules solides ou liquides en suspension dans le biogaz la chaudière sera munie de tubes de fumée dont le matériau pourra résister aux fumées de biogaz, éventuellement à fortes teneurs en H2S.

Production électrique
La production d'électricité à partir du biogaz pourra être obtenue, pour les faibles puissances (< 1 Mwe, soit environ 700 m3/h), par des groupes moteurs dual-fioul ou à étincelles offrent en général une grande souplesse de fonctionnement et une durée de vie plus grande que les groupes à étincelle, du fait de leur vitesse de rotation plus lente.
Les rendements obtenus sont bons (25 à 36 %), de plus, les constructeurs proposent souvent une version "cogénération"  (voir annexe n°…) de leurs moteurs, permettant une récupération partielle de la chaleur produite par le circuit interne de refroidissement de l'eau ou par les fumées de combustion. L'eau chaude est obtenue à une température de 80/90 CC et peut servir au chauffage de locaux pour une puissance de 0,5 à 2 MW suivant l'importance du groupe.
Pour les plus grosses puissances (à partir de 1 Mwe, soit 700 à 800 m3/h de biogaz d'un PCI de 5 kWh/m3, il est préférable d'envisager, malgré une baisse de rendement électrique, le choix d'une turbine à vapeur alimentée par une chaudière à biogaz produisant de la vapeur à 15/10 bars. Cette solution présente l'avantage d'une très grande fiabilité, et d'une grande
simplicité d'exploitation. Elle constitue la meilleure solution à long terme pour les centres d'enfouissement techniques compte tenu de la qualité médiocre du biogaz produit et de sa grande variabilité. Les turbines disponibles dans cette gamme de puissance sont malheureusement rares et présentent des rendements bas (10 %  à 20 %).

Figure 14 : Valorisation par production d'électricité


Les groupes ou turbines sont installés soit en bâtiment correctement insonorisé, soit en containers, ces derniers présentant l'avantage d'être transportables sur d'autres sites.
Un ensemble de couplage au réseau EDF complétera l'installation, avec armoire de synchronisation, transformateur Moyenne Tension/Basse Tension, tableau de commande, automate de gestion..

c - La valorisation  en carburant automobile :

Figure 16 : Valorisation en carburant automobile

Figure 17 : Station d'épuration d'Achère (banlieue parisienne)

Figure 18 : Construction d'un digesteur ovoïde

1-Accumulation de sédiments
2-Zones mortes, mélanges défectueux, température hétérogène.
3-Zone de formation de mousse et d croûte.

Figure 19 : Avantages des digesteurs ovoïdes par rapport aux digesteurs classiques

6 - Des exemples

Exemple de digestion de CET d'Hersin-Coupigny dans le Pas-de-Calais

Ce site reçoit près de 1500 tonnes de déchets par jour, composés de déchets ménagers et de déchets commerciaux et industriels non toxiques qui sont entreposés en alvéoles, puis recouverts d'une couche de terre. L'installation possède un réseau de conduite permettant la récupération du biométhane. On extrait du gaz contenant en moyenne 50% de méthane. Au total ce centre de stockage produit 3200 m3 de biogaz à l'heure, un potentiel énergétique important.
Auparavant, le gaz était consommé en torchère, pour éviter de le rejeter dans l'atmosphère. Aujourd'hui, les responsables de la station ont dirigé le gaz vers deux chaudières dédiées au chauffage des bâtiments administratifs et techniques du centre d'enfouissement. Leur consommation totale est de 70 m3 par heure. Les chaudières ont été conçues pour accepter la production locale, sans souffrir de la corrosion de certains des constituants du biométhane ( Hydrogène sulfuré essentiellement).

Exemple de digestion de STEP en Allemagne : La station d'épuration de Cuxhaven, mer du nord.

La ville de Cuxhaven est confrontée à l'obligation, comme dans toutes les villes Européennes, d'éliminer et de traiter, suivant les normes, à la fois les eaux usées municipales et industrielles. Les boues récupérées dans les décanteurs, en amont et en aval des bassins de traitements, sont stabilisées par digestion anaérobie. L'installation traite un apport au quotidien de 350 m3 de boues brutes. Elle est constituée de trois digesteurs ovoïdes mésophiles d'un volumes de 5500m3 chacun, soit un volume total de 16500 m3.

La production de biogaz de l'unité de traitement est d'environ 6000 m3 par jour selon les mois ( un peu plus de 2 millions de m3 par an). Ce biogaz est consommé dans une centrale fonctionnant selon le principe de la cogénération. Sa puissance électrique est de 1360 kW et peu produire environ 10 000 kWh d'énergie électrique. L'énergie calorifique produite est d'environ 18 000 kWh. La partie production électrique est composée de 4 moteurs à gaz à générateurs de 340kW chacun. Une capacité de secours de 63 m3 de propane liquide est disponible en cas d'insuffisance temporaire de la source de biogaz. Le biogaz produit est stocké dans un gazomètres basse pression de 500 m3, et dans deux réservoirs à haute pression (10 Bars)de 3 000 m3 chacun. A côté des groupes électrogènes, deux chaudières de 1 325 kW sont installées. Le biogaz, bien que brûlé en priorité, peut-être remplacé par du fioul lourd en secours. La production principale est de l'énergie électrique.

Bibliographie et références

  • Biométhane I et II Bernard Lagrande, édition Edisud
  • Le biogaz et sa valorisation, A.D.E.M.E, G.D.F, édition Système Solaire
  • Système solaire, Biogaz : une réalité en expansion.
  • Biomasse et électricité, M Whitwham, C.N.R.S-ECODEV
  • Le transfert du biogaz, A.F.G
  • 30 propositions pour une politique biogaz, Solagro
  • Le Biogaz, procédés de fermentation méthanique, Bertrand de la Farge, Masson
  • Cd-rom, Le biogaz à la ferme en Europe, actes de conférences, Eden (programme Altener)


Sites internet